Mauritanie: Rassemblement d’étudiants à Nouakchott, la police réprime
Ce mercredi 10 mai, les forces anti-émeutes ont dispersé un rassemblement d’étudiants et arrêté deux d’entre eux. A travers cette manifestation, ils entendaient contester « l’annulation des élections des délégués étudiants ». Les deux ont ensuite été conduits au commissariat Tevragh Zeina 2 puis libérés au bout de 5 heures apprend-on.
Oumar Ba étudiant en sociologie et Président de section du Syndicat National des Etudiants de Mauritanie (SNEM) et Fatou Cissokho étudiante en économie, Vice Présidente de section du même syndicat étudiant, ont été mis en cage pour la première fois de leur vie. Comme dit plus haut, ils ont été cueillis par la police, au moment où ils «mobilisaient » leurs camarades contre l’annulation de l’élection de leurs représentants dans les différents conseils de l’Université de Nouakchott Alasrya.
Le moral est bon
Des heures durant, leurs camardes syndicalistes ont toqué aux portes ds commissariat de la ville, pour savoir où étaient retenus les deux leaders syndicaux. Ils avaient en fait été conduits au commissariat N2 de Tevragh Zeina, à Nouakchott. Visiblement, ils ne sont pas blessés restent déterminés à « poursuivre la lutte », confient-ils.
Annulation
Mais revenons à la pomme de discorde. En effet, c’est l’annulation de l’élection 2017 des représentants des étudiants qui a poussé le syndicat, à descendre sur le terrain. Ce, après avoir écrit des communiqués et tenté sans succès de ramener l’administration à la raison. Cette élection des délégués qui était initialement prévue ce jeudi 11 mai, a été annulée le 25 avril dernier. C’est ce qu’indiquent des leaders étudiants.
Engagement
Rencontrés ce matin, ils estiment que « l’annulation unilatérale de l’élection, est une violation de leurs droits ». Selon eux, la moindre des choses aurait été de donner des « arguments solides et proposer une alternative ». Entouré de ses camarades, Habib Kane Secrétaire Générale du SNEM, a fustigé « un comportement indigne d’une administration universitaire ».
Avec la verve d’un syndicaliste, Kane a exigé de l’administration universitaire « un engagement écrit garantissant la tenue de l’élection des délégués étudiants avant la fin de l’année 2017 ». Pour lui, on ne peut pas se fier à la parole de l’administration universitaire. Seul un engagement écrit pourrait rassurer, voir calmer les étudiants.
L’élection n’est pas un cadeau mais un droit
Par ailleurs, la non organisation de l’élection des représentants des étudiants aux différents conseils, soulève plusieurs questions. Naturellement nous avons tenté de contacter l’administration universitaire. Hélas, le téléphone d’un des vices présidents de l’Université a sonné dans le vide à maintes reprises. Aucun retour au mail que nous avons envoyé.
Incertitudes
Les étudiants qui siègent actuellement aux conseils et dont le mandat arrive à terme, vont-ils garder leurs fauteuils. Un prolongement comme ont fait les sénateurs? Vont-ils être éjectés purement et simplement des instances de consultations et de prise de décision?
La représentation des étudiants dans les conseils d’administration et de facultés, est un droit reconnu dans le règlement intérieur de l’université. Elus pour un mandat de deux ans, ils siègent au même titre que les professeurs et doyens en tant que membres. Ils ont l’occasion de prendre position et de défendre leurs intérêts.
Zones de turbulence
Notons en outre, que ce nouveau mouvement d’humeur intervient peu de temps après une autre grogne. En effet, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique de Mauritanie, avait suspendu la bourse de plusieurs étudiants mauritaniens, à l’étranger. Les étudiants soutiennent n’avoir perçu aucun centime du gouvernement mauritanien, depuis le début de l’année académique. Ils ont manifesté, ont été tabassés pour avoir usé de leur droit de revendiquer.
Le ministère…
Pour réagir au doigt accusateur des apprenants, le ministère de tutelle a publié un communiqué. Dans ce texte dont saharamedias a eu copie, le ministère indique « qu’il s’agit d’étudiants non inscrits, d’où la suspension de leur bourse ». Toujours à travers le même texte, le ministère de l’enseignement supérieur précise que « des dossiers parvenus récemment, sont entrain d’être traités par les services compétents ». Ceci est en contradiction avec les dires des concernés. Les étudiants estiment être en règles.
Le Président a dit…
Outre la réponse du ministre, c’est plutôt une réaction Mohmaed Ould Abdel Aziz, Président de la République qui fait couler encre et salive. Ce dernier questionné sur la « crise des bourses », avait soutenu « ne pas être au courant de la suspension des bourses ». Le Président tente t-il de nous dire que ses ministres de l’intérieur (tutelle police) et de l’enseignement supérieur (tutelle universités) ne font pas de rapports, lors des conseils des ministres ?
Il est sérieux là?
Mieux, le président a le 22 mars dernier, affirmé que l’Etat dont il est le chef a « mis fin aux pratiques illégales dans l’attribution des bourses et par la même, offert d’avantage d’occasions de formation à l’intérieur du pays, à travers la multiplication des instituts et universités ». Est-ce une manière différente de dire qu’il est au fait de ce qui se passe ? Ne serait il pas à l’origine des multiples décisions impopulaires de ses ministres ?
Exemple du Niger
Cette réaction du président mauritanien, contraste avec celle du président nigérien. L’on se souvient de la grève récente des étudiants nigériens. Après plusieurs manifestations sauvagement réprimés et arrêts des cours, ils ont obtenu gain de cause.
Grogne étudiante au #Niger : le ministre de l’Enseignement supérieur remplacé https://t.co/sbYerjNF57 pic.twitter.com/qg75kw54yB
— Actualite Afrique (@actualitafrique) 20 avril 2017
Face à leur détermination, le Président Niger Mohamadou Issoufou a procédé à un remaniement ministériel. Le ministre de l’enseignement supérieur a été permuté. Au summum de la crise, les étudiants avaient réclamé la tête du ministre. C’est désormais chose faite.
Cette année comme les années précédentes, le paysage étudiant mauritanien a souffert et continue de connaitre de fréquentes zones de turbulences. Jadis, le Président Feu Mokhtar Ould Daddah avait dit que « la Mauritanie sera ce qu’en fera sa jeunesse ». Avant de prendre ses responsabilités dans le devenir de la nation, devra avoir les moyens de se former d’abord.
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