Liberté de la presse : La Mauritanie 55e sur 180 places, le classement du RSF est-il objectif ?

Article : Liberté de la presse : La Mauritanie 55e sur 180 places, le classement du RSF est-il objectif ?
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5 mai 2017

Liberté de la presse : La Mauritanie 55e sur 180 places, le classement du RSF est-il objectif ?

La Mauritanie 55e du classement annuel de Reporters Sans Frontières occupe cette encore la première place du monde arabe, en matière de liberté d’expression. Cette publication du rapport du RSF, intervient quelques jours avant la journée internationale de la presse (le 3 mai). Mais ce rapport reflète-il fidèlement la situation de la presse mauritanienne ? 

L’ONG international Reporters Sans Frontières (RSF) a publié le 26 avril dernier, son rapport annuel sur la liberté de la presse dans le monde. L’indice du classement qui met en exergue les atteintes à la liberté de la presse dans le monde, souligne une « légère dégradation globale » depuis l’an dernier.  La Norvège est première de la classe et la Corée du Nord ferme le rang.

La Mauritanie quand à elle, est classée 55e sur 180 pays, 8e au niveau africain et 1er du monde arabe. Comme on pouvait s’y attendre, les autorités mauritaniennes se sont empressées de se féliciter de ce classement. Le pays d’Ould Abdel Aziz a cependant perdu sept points par rapport à l’année dernière. Commentant ce recul, le Porte Parole du gouvernement a estimé que « la Mauritanie n’a pas reculé de 7 points, mais certains pays ont évolué positivement pour se retrouver au niveau de la Mauritanie ».

Mais pour le RSF, la raison est tout autre. Contacté par nos soins, Clea Kahn-Sriber Responsable du Bureau Afrique indique la situation d’Ould M’kheitir condamné à mort pour billet de blog jugé blasphématoire envers l’islam et son prophète (PSL), a « fait chuter le score de la Mauritanie cette année. A cela, s’ajoute « un contrôle important bien que diffus de la part de l’Etat et les réformes législatives annoncées ne se matérialise », précise la responsable de RSF.

Ould M’kheitir

Un certains nombre de confrères ont protesté (en chuchotant), dans les bureaux et cafés de Nouakchott contre la raison « première » de la chute de 7 points du pays. Selon eux, Mohamed Cheikh Ould M’Kheitir « n’est un journaliste et ne travaille pas dans la presse, donc sa situation ne devrait peser sur la balance de la liberté de presse en particulier mais plus tôt sur celle de la liberté d’expression de façon générale ». Ont-ils raisons ou tord ? A méditer.

Méthode

La méthode utilisée pour la mise en place de ce classement soulève questions. Nous avons donc adressé un mail Emily Boulay Directrice de la communication et Prem Samy Responsable du classement de RSF, pour éclaircissements. Huit jours après l’accusée de réception, Clea Kahn-Sriber Responsable du Bureau Afrique a répondu à nos questions.

« Le Classement de RSF est établi sur la base des réponses au Questionnaire du Classement. Ce questionnaire est soumis à un pool de répondants: journalistes mais aussi parfois professeurs d’université ou juristes spécialisés dans les médias ».  Toujours selon Clea Kahn-Sriber, ce classement est « une photographie de la situation de la liberté de la presse, fondée sur une appréciation du pluralisme, de l’indépendance des médias, de la qualité du cadre légal et de la sécurité des journalistes dans ces pays ».

Le climat aujourd’hui en Mauritanie pour la presse et les journalistes est loin d’être serein. Clea Kahn-Sriber Responsable Bureau Afrique de RSF

 

Pour elle, « Il n’est donc pas un palmarès des politiques publiques (…) et n’est pas non plus un indicateur de la qualité de la production journalistique dans un pays. » L’on est tout de même tenté de s’interroger: n’y a-t-il pas une dose de subjectivité dans tous çà ? En effet, ce sont des personnes x (anonymat) qui répondent à questionnaire et donnent donc un point de vue.

« Subjectif »

La réponse viendra de Prem Samy (le même) chargé du classement à RSF. Contacté par JeuneAfrique, il a confié que « l’échantillon interrogé varie, selon les pays, entre cinq et une dizaine de personnes, parfois davantage ». Selon le responsable du RSF, « Il y a une dimension subjective, c’est sûr ».

Mieux que le Sénégal

Toujours est-il que la Mauritanie arrive devant son voisin sénégalais. Pourtant les médias sénégalais semblent avoir une certaine marge de manœuvre. Beaucoup plus qu’en Mauritanie.  La presse mauritanienne serait donc plus libre que celle sénégalaise. Mieux, le pays pointe à 16 longueurs derrière la France et à 12 des Etats Unis. La France, pays des droits de l’homme et les USA celui du premier amendement.  Quelle prouesse !

Climat de « liberté »

Il est vrai que la Mauritanie a supprimé le délit de presse, la liberté  « diffusion » existe, mais le bâton n’est pas très loin. En effet, on peut toujours utiliser une disposition du code pénal, pour envoyer un journaliste en prison. L’année dernière, les journalistes Babacar et Jedna l’avaient appris à leurs dépends. Toujours courant 2016, une émission à forte audience du journaliste Ahmed Weddia avait été censurée.

 

Mort annoncée 

Notons enfin, les ressources financières quasi-inexistants, plombent le rythme de production des médias, engendre des retards de salaires et obligent certains à ce plier aux désirs de l’annonceur. Reporters Sans frontières le souligne d’ailleurs. Depuis un moment, la presse privée ou indépendante ne reçoit plus les annonces des sociétés publiques. Nombreux sont les patrons de presse, qui estime ceci n’est qu’une censure qui ne dit pas son nom.

Amadou SY

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Commentaires

Garens Jean-Louis
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Très bon billet !

Amadou
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Merci Garens.... on débute comme ça!

Amadou
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Merci mon cher. Cette situation est sujet à méditation.